Profitons de l’été pour découvrir certains produits de terroir. Cette semaine, le pruneau d’Agen. Les familles françaises détiennent dans leurs placards les deux tiers de la production de pruneaux qu’elles consomment tels quels en piochant directement dans le sachet. Industriels, boulangers, pâtissiers, cuisiniers et cuisinières utilisent le tiers restant en crème, purée, confiture, jus, sirop et liqueurs, macération dans de l’armagnac ou un autre alcool fort, accompagnement de canard, de lapin, de porc ou d’agneau, fruits fourrés ou dans des farces, ou encore, comme base pour de nombreux desserts. Originaire du Proche-Orient, le prunier fut introduit dans la région de la Garonne par les croisés, puis cultivé par les moines. D’Agen, capitale du pruneau, des bateaux transportaient les fruits par la Garonne jusqu’à Bordeaux, d’où ils partaient vers Paris, Londres, Rotterdam et le Nouveau Monde. En France, la principale région de culture est le Lot-et-Garonne et s’étend jusqu’à Bergerac. Les bonnes années, ses 2,9 millions de pruniers donnent 70000 tonnes de fruits. Après la Californie, la France est donc le second producteur mondial de pruneaux.
Une seule variété de prune convient au séchage et, de ce fait, a supplanté toutes les autres. La prune d’ente, violette, rouge ou rose par endroits, ne révèle ses qualités que séchée. L’état de pruneau, elle est luisante et presque noire à l’extérieur, jaune foncé à ambré à l’intérieur, souple et très aromatique. Enfant du Sud, elle aime les coteaux ensoleillés, ne supporte pas les gelées tardives et craint le vent. Elle se plaît dans les sols profonds, argileux et calcaires, ni trop sablonneux ni trop humides. Elle souffre donc autant des longues pluies que de la sécheresse. Les arbres sont plantés à 7 mètres de distance dans des sols bien préparés. Leur pousse est extrêmement importante ; s’ils peuvent atteindre 4 à 5 mètres de hauteur à l’âge adulte, on ne laisse jamais leur tronc dépasser 1,10 mètre. Le producteur taille soigneusement leur couronne en forme de pyramide jusqu’à leur sixième année, quand ils commencent à donner des fruits. Cela garantit une bonne aération et influe sur la santé des arbres et des fruits ; la prune d’ente est très sensible aux animaux nuisibles et aux maladies. Pour avoir des pruneaux parfaitement sains, riches en minéraux, en vitamines et en fibres alimentaires il est préférable d’acheter ceux issus de la culture biologique.
Pour transformer les prunes en pruneaux, il est primordial que les fruits aient atteint leur maturité optimale. Il faut donc que le feuillage soit sain et fourni et que le rendement soit réduit au moyen d’un éclaircissage régulier. La maturité se reconnaît à différents signes ; la quantité de sucre dans la pulpe du fruit, la faible acidité, la couleur très sombre de la peau, la souplesse de la pulpe et la chute des fruits sans leur queue. La récolte commence la seconde moitié du mois d’août et se poursuit jusqu’au début d’octobre. Tandis que les grosses exploitations emploient des machines pour secouer les arbres, les petites entreprises et les exploitations biologiques font travailler des cueilleurs expérimentés qui tapent sur les branches avec des bâtons pour faire tomber les fruits. Les prunes mûres tombant facilement, sans leur queue, ce procédé n’endommage pas les arbres. De plus, les fruits non mûrs restent sur le prunier, ce qui profite à la qualité de la récolte. Un a remplacé la paille que l’on étalait autrefois sous les arbres par de grands filets. Les prunes fraîches sont alors lavées, puis étalées en une seule couche sur des claies permettant la circulation de l’air.
Autrefois, on les faisait sécher au soleil ou dans des fours ä pain. Aujourd’hui, on empile les claies sur des chariots que l’on introduit dans des étuves ou des tunnels de séchage. On y fait souffler de l’air chaud, qui élimine. Entre le préséchage à 60°C, et la finition à 75 °C s’écoulent 18 à 24 heures. L’objectif est de réduire l’humidité des prunes à une valeur comprise entre 21 et 23%, en conservant leur arôme et l’intensifier autant que possible par un début de fermentation. Par contre, il faut empêcher une caramélisation des fruits, qui prendraient alors une couleur brune inesthétique. C’est pourquoi la température ne doit jamais dépasser 75°C à l’intérieur du fruit. Selon leur maturité et leur taille, il faut entre 2,5 et 3,5 kg de prunes fraîches pour obtenir 1 kg de pruneaux. Une fois le séchage achevé, que l’on exécute tout de suite après la récolte, les pruneaux sont placés dans des caisses de bois et entreposés dans un lieu sombre et frais. Enfin, avant qu’ils ne soient mis sur le marché, on plonge les pruneaux d’Agen dans un bain d’eau très chaude pour relever leur taux d’humidité à environ 30%. Ils prennent ainsi un lustre appétissant et une consistance souple et sont consommables immédiatement.