Aujourd’hui, nous nous transformons en enquêteur et mathématicien pour dénoncer le mensonge multiséculaire qui entache le monde de la pâtisserie: je parle évidemment du cas du mille-feuille et du scandale gustatif qui l’entoure.
Car oui, sachez-le: comme le mille-pattes n’a pas mille pattes, le mille-feuille n’a jamais eu mille feuilles! Au minimum, le gâteau vedette de notre patisserie hexagonale comporte en effet trois couches de pâte feuilletée, deux de crème patissière et une de glacage. Il aurait été créé par Pierre Francois de La Varenne, auteur du Cuisinier françois, en 1651, et perfectionné par Antonin Caréme (1784-1833), le cuisinier de Talleyrand. Mais c’est en 1806 qu’un certain Rouget publie la recette du mille-feuille. Il faut ensuite attendre 1867 pour qu’un pâtissier du nom de Seugnot la propose à ses clients de la rue du Bac.
Le nom du gâteau fait, bien sûr, référence au nombre impressionnant de feuillets de pâte qui le composent, résultant des six « tours » d’étalage et de pliage en trois nécessaires à la confection d’une pâte feuilletée dans les règles. Le nombre de feuilets réels atteint ainsi le chiffre, si l’on compte bien, de sept cent vingt-neuf ! On est loin des mille annoncés, comme vous pouvez le constater ! A compter d’aujourd’hui, ne demandez plus un mille-feuille à votre pâtissier, mais un 729-feuille. Obligez-le à faire face à son inexactitude.
L’enquête est cependant loin d’être finie. Certains pâtissiers, plus modestes, proposent en effet un « 500 feuilles ». D’autres jouent au contraire la carte de la surrenchère, tel Pierre Hermé et son fameux « 2000 feuilles ». Vous pouvez être certain que nous allons goûter ces versions alternatives et compter minutieusement les feuilles qui les composent. Grâce à nous, vous ne serez plus jamais trompé par des pâtissiers sans scrupule.
On peut tromper mille fois une feuille.
On peut tromper une fois mille feuilles.
Mais on ne peut tromper mille fois mille-feuille !