L’Alsace conserve ses particularités. Ses habitants ont certes en commun le goût des bonnes choses, comme tous les autres Français, mais on trouve ici d’importantes différences. Si les Parisiens et une majeure partie de la population mangent principalement des baguettes, l’Alsace a et savoure une formidable variété de pains et de pâtisseries, qu’elle défend avec véhémence. Le plus ancien de ces pains est le pain de méteil. Autrefois, le suzerain attribuait à chacun de ses sujets un morceau de terre, qu’ils cultivaient comme ils le souhaitaient.
On semait généralement sur cette terre un mélange de céréales, en général du blé et du seigle. Ainsi on se protégeait des méfaits du temps et de la nature, et on s’assurait d’avoir au moins quelque chose à récolter, à moudre et à cuire pour soi et sa famille. Par conséquent, la composition du pain était variable, tantôt il contenait davantage de blé, tantôt davantage de seigle. Aujourd’hui, lorsqu’on fabrique du pain de méteil, on utilise les deux céréales à parts égales.
Le bretzel est l’emblème des corporations de boulangers et de meuniers alsaciens. Sa forme nouée était censée porter bonheur et protéger des mauvais esprits qui pourraient avoir l’idée de gâter les céréales, la farine ou le pain. Le bretzel est simplement fait d’une pâte à la farine et à l’eau que l’on plonge dans l’eau bouillante, que l’on dore à l’oeuf, que l’on saupoudre de gros sel de mer et que l’on fait sécher au four. Lorsqu’ils sont frais, les bretzels, croustillants à l’extérieur et tendres à l’intérieur sont un en-cas très apprécié.
Le sousweck ou südbredle doit son nom au sou, la pièce de 5 centimes. En effet, autrefois il ne coûtait qu’un sou. Ce pain agréable, que l’on consomme au petit déjeuner, se compose de deux boules de pâtes assemblées. On appelait la deuxième boule Zugob, et on supposait que le boulanger l’avait ajoutée par pure générosité. Le berches, pain juif traditionnel, est très apprécié. Sa pâte de blé était ferme et compacte, car les familles juives l’achetaient le vendredi pour le manger le samedi, jour du sabbat. La natte qui recouvre le pain symbolise la lignée d’Israël, tandis que le pavot représente la manne céleste. On trouve en outre une foule d’autres spécialités. Ainsi, les speckkiechle sont de petits pains aromatisés au lard et au cumin. Le behrewecka, un pain aux fruits, se singularise par ses poires séchées, ses figues, ses pruneaux, ses noix et ses noisettes. Hormis le pain à la bière, au goût prononcé, on trouve aussi le délicieux pain noir, le pumpernickel, fait de seigle grossièrement moulu, comme en Allemagne.
Les biscuits secs de Noël, aux formes variées, figurent parmi les meilleures spécialités sucrées. Ils sont typiques de l’Alsace, c’est pourquoi on les trouve depuis longtemps toute l’année. Il y a d’abord le bredle, un gâteau aux amandes, aux noisettes, au citron, à l’anis et à la cannelle, auquel on donne la forme d’une étoile, d’un coeur ou d’une lune et qui s’appelle, selon son ingrédient principal, anis, butter, ou schowerbredle, ce dernier contenant de la poudre d’amandes. Il ressemble en cela au schenkele, petit gâteau additionné d’un peu d’eau-de-vie de fruits. Bien entendu, il ne faut pas oublier le pain d’épices. Il s’inspire des pains au miel que l’on connaissait déjà avant l’époque romaine. Les croisés rapportèrent jadis des épices d’Orient, qu’ils utilisèrent pour aromatiser dés pains. Ces pains furent d’abord une spécialité des ordres chrétiens qui les préparaient pour la fête de Saint-Nicolas. Ils eurent un immense succès sur le Christkindelmärik (le marché de Noël), à la fin du XVIe siècle. Au XVIIIème siècle, les amoureux s’offraient mutuellement des cœurs en pain d’épices. Ils peuvent encore le faire aujourd’hui car un marché de Noël sans pain d’épices perdrait de sa typicité.