Si vous voyagez un peu dans le Sud, et particulièrement en région Languedoc Roussillon, vous ne pourrez pas échapper aux anchois. L’été, on peut voir les peintres et les artistes du dimanche sortir leurs chevalets sur le Quai de Collioure, célèbre petite station balnéaire et port de pêche de la Côte Vermeille, à une enjambée de la frontière espagnole. Ils ne se lassent pas de fixer sur toile ou de peindre à l’aquarelle la baie protégée et son église fortifiée, jadis résidence d’été des rois de Majorque. Collioure semble n’avoir rien perdu de l’attrait qu’elle exerçait déjà, du temps des Phéniciens, des Cirecs et des Romains. Bien au contraire car elle vit aujourd’hui surtout du tourisme. Seuls vestiges d’un passé économique florissant ; son vin rouge, son vin doux naturel, le banyuls, et ses célèbres anchois de Collioure. Pendant des siècles, Collioure fut un port de commerce important. Dès le Moyen Âge, la ville s’était taillé une solide réputation pour les salaisons de poissons réalisées sur place, que ce soit les anchois, les sardines, la morue ou le thon. Lorsque le Traité des Pyrénées, en 1659, raccorda la ville de Collioure à la France, le roi l’exonéra même de l’impôt sur le sel 1 la gabelle. Collioure perdit son importance commerciale mais vécut un nouvel âge d’or, celui de la pêche.
Les pêcheurs de Collioure prenaient la mer sur leurs catalanes, des voiliers longs de 10 mètres, avec un équipage de six hommes ; ils allaient jeter le sardinal, un filet de 400 mètres de long. Déjà à cette époque, ils ramenaient le plus souvent dans leurs filets les anchois qui abondent dans toutes les mers chaudes. Ces petits harengs longilignes de la Méditerranée, en particulier ceux de Collioure, passent pour être particulièrement fins. Dans ce petit port au pied des Pyrénées, la conservation par salaison est une activité que l’on se transmet de générations en générations, elle a fourni au cours des ans, des emplois à de nombreuses femmes de pêcheurs. Au temps de son apogée, la ville comptait jusqu’à 30 entreprises, dont seules quatre ont survécu. Quant à la flotte, des 150 catalanes qu’elle comptait, il n’en reste plus qu’une demi-douzaine, devenues curiosités touristiques. Voilà bien trente ans que les pêcheurs ont quitté pour la dernière fois le port de Collioure à bord de catalanes pour partir en mer. Il n’y a guère que Port-Vendres, petite ville voisine, qui ait conservé une flottille de ces anciennes embarcations de pêcheurs. Sitôt pêchés, les poissons sont roulés dans le sel. Un supprime têtes et viscères, on dépose les anchois dans des tonneaux en répandant généreusement du gros sel entre chaque couche et pour finir, on pose une grosse pierre sur le couvercle. Commence alors la macération pour une période de trois mois afin que les anchois puissent développer toute leur saveur. Ensuite, ils sont soigneusement lavés pour éliminer le sel, puis triés en fonction de leur taille, mis en bocaux et recouverts de saumure. Apprêtés de cette façon, les anchois se conservent plus d’un an. Un peut prélever les quantités désirées au fur et à mesure des besoins, à condition de veiller à ce que la saumure recouvre toujours les filets en attente.